Pour Tobin Blake, la méditation est la seule voie d'accès au divin qui
demeure dans notre coeur. Entreprendre un voyage intérieur vers la
divinité que nous sommes quand nous sommes nous-mêmes.
Chez certains, le mot méditation évoque des images de moines tibétains
et chauves assis dans les montagnes himalayennes, accomplissant de
mystérieux exploits de domination de la matière par l'esprit, peut-être
lévitant, ou séchant des draps glacés et mouillés avec la chaleur de
leur corps. D'autres associent la méditation aux années 60,
manifestations, changements sociaux, groupes d'amis échangeant des
poèmes abstraits.
A ces images stéréotypées, on peut ajouter le prêche d'un
fondamentaliste, stigmatisant la méditation, «oeuvre du diable»,
pratiquée par les païens, les incroyants, voire les démons. Ces
jugements sont des stéréotypes conçus par des gens qui n'ont pas la
moindre expérience de la pratique de la méditation. En fait, toutes les
religions ont eu des voyants et des maîtres qui faisaient de la
méditation une pratique quotidienne. Même le christianisme, le judaïsme
et l'islam ont une tradition mystique, dont la plus grande partie est
issue de visions et intuitions obtenues grâce à la méditation, ou des
pratiques similaires.
L'exploration de la méditation implique, à mon avis, l'examen de nos
croyances, et leur considération à un niveau supérieur. Il n'est pas
besoin d'abandonner sa foi religieuse pour entreprendre la méditation.
Il n'est pas nécessaire que vous abandonniez votre Eglise pour
rejoindre la secte la plus proche. Il n'est pas besoin d'abandonner
pour se brancher. Beaucoup de traditions religieuses vont très bien
avec un mode vie méditatif.
Ce qu'il faut, pour commencer, c'est vous remettre en question, vous et
votre façon de penser, ce qui vous permettra d'évoluer. Cela implique
d'ôter les définitions toutes faites de la méditation, pour mettre au
jour la réalité de la pratique. La première chose à faire, c'est de
tenter l'impossible : définir le mot méditation. Qu'est-ce que la
méditation ? Quiconque a pratiqué sérieusement la méditation sait qu'on
ne peut donner une réponse complète à cette question, mais ceux qui
sont 'en apprentissage' la posent encore. Et les réponses qu'ils
obtiennent les laissent souvent insatisfaits. Il n'est pas facile de
définir la méditation, parce que l'expérience qu'on peut obtenir en la
pratiquant est au-delà de la conscience humaine ordinaire. Au
commencement, nous n'avons pas de point de référence, rien à quoi nous
puissions comparer l'expérience. Aussi, définir la méditation, c'est un
peu comme essayer d'expliquer ce qu'est le bleu à des gens qui n'en ont
jamais vu. Il serait beaucoup plus facile de montrer le ciel, pour
qu'ils puissent voir par eux-mêmes. Sans cette expérience immédiate,
les définitions ne peuvent guère satisfaire la curiosité.
Il y a une définition simple de la méditation ; c'est «la pratique du
calme et du silence». On prend un peu de temps, on s'assoit et on
essaie de rester parfaitement calme, corporellement, et mentalement.
Dans certains types de méditation, on choisit un mot, une phrase, ou
une image, sur lequel on se concentre, une unique «pensée» sur
laquelle se concentrer, qui remplace toutes les autres qui
ordinairement remplissent le champ de la conscience humaine. Dans
d'autres pratiques de la méditation, on préfère ne permettre à aucune
pensée de prendre racine, et laisser les pensées errer dans la
conscience, y entrer, et en sortir, comme des nuages qui traversent un
ciel d'azur.
Cependant, l'élément unificateur qui sous-tend la plupart des formes de
méditation est essentiellement identique: le physique cesse d'être le
centre d'intérêt ; on en retire son attention avec douceur, pour la
porter sur le mental ou la métaphysique, le mental ou l'esprit.
Pour mieux voir comment cela opère, considérons les caissons de
privation sensorielle. Un caisson de privation sensorielle est une
chambre remplie d'eau. Dans le caisson, la personne flotte sur l'eau
qui a été portée à température corporelle. Le caisson est couvert,
isolant complètement la personne qui reste dans l'obscurité et le
calme. L'eau chaude prive le corps d'impulsion tactile (toucher),
l'obscurité supprime la vision, et le caisson étouffe les sons
extérieurs. Le résultat, c'est une expérience du soi, comme «conscience
libre», «conscience pure», comme on le dit souvent, un mental conscient
de son existence indépendamment du monde et du corps physiques.
La méditation suit la même direction. Nous trouvons un endroit
relativement tranquille où nous asseoir, et nous fermons nos yeux un
moment. La restriction sensorielle entraîne une diminution des données,
des 'entrées' sensorielles que le mental doit traiter. Notre manque de
mouvement physique réduit la sensation de conscience tactile ; la
fermeture des yeux supprime la forme physique de notre vue ; et un
endroit calme devient un havre de paix, isolé phoniquement ; notre
dialogue intérieur n'est plus ainsi alimenté. Calme et silence.
Enfin, grâce à la pratique de l'immobilité, nos pensées se calment, et
nous commençons à réaliser que nous sommes des êtres spirituels,
faisant temporairement l'expérience de la vie en tant qu'êtres
physiques dans un monde physique. La méditation élargit notre pensée
quotidienne, d'ordinaire limitée, et remet en question les définitions
routinières quant à notre identité et à son contenu, révélant un monde
intérieur, qui restait invisible et insoupçonné. Mais cette expérience
ne peut véritablement être comprise au moyen de définitions et de
descriptions ; cette expérience est elle-même la meilleure définition
de la méditation. D'où le problème : La méditation est une expérience ;
donc, pour la comprendre, il faut faire soi-même cette expérience.
Il nous faut maintenant aller un peu plus loin, et examiner une
philosophie commune à de nombreuses formes de pratique. Imaginez que
vous êtes en réalité deux individus très différents. Vous connaissez
bien l'un de ces 'moi'. C'est le moi avec lequel vous vous êtes
familiarisé, le 'moi' qui s'éveille chaque matin pour aller à l'école,
ou au travail, ou au terrain de sport. Vous définissez ce soi par un
corps et un nom et un système personnel de valeurs, désirs, goûts et
dégoûts. En fait, pratiquement toute votre vie, c'est probablement le
seul 'moi' dont vous avez eu conscience. Certains l'appellent le 'petit
soi', le 'je', ou l'ego. C'est l'identité fondée sur l'existence
physique individuelle, et la déconnexion de la conscience spirituelle.
Selon notre perspective, ce soi 'ego' semble englober tout ce que nous
sommes.
Mais il y a un autre Soi en chacun de nous, auquel nous donnons divers
noms : Ame, Esprit, Amour, Paix, Soi, Esprit (au sens abstrait,
intangible, distinct du cerveau physique), etc. Ce qu'est ce Soi, les
mots ne peuvent l'exprimer ; c'est seulement par l'expérience que sa
nature est comprise.
Peut-être connaissez-vous votre Soi par un sentiment de sa faiblesse :
peut-être sentez-vous que quelque chose vous manque dans votre vie. Vous sentez un petit endroit vide près de votre coeur. Ce sentiment peut être si obscur que vous ne pouvez pas dire exactement quel est le problème, ce qui manque, ou pourquoi vous vous sentez parfois
incomplet, même quand tout va bien. Il y a un vide et une sensation
que, quoi que vous fassiez, la vie n'apporte pas une entière
satisfaction. Rien de ce que vous faites ne parvient à apaiser cette
mystérieuse, incessante, sensation de privation.
Souvent, on n'en est pas même conscient, mais de temps à autre, elle
tente de faire surface, et nous nous efforçons de la réprimer, parce
que nous n'avons pas de réponse véritable au problème. Cette sensation
peut émerger un beau jour, ou, au contraire, un vilain jour, dans le
bonheur, comme dans la dépression. Parfois, elle peut être entrevue
juste sous une éruption soudaine de nouveaux desseins destinés à
renouveler la fraîcheur de la vie, et à étouffer ce sentiment
d'incomplétude.
Ma conviction, c'est que la plupart de nos émotions négatives sont en
fait le résultat de notre profond refus de notre Soi spirituel, en
faveur du petit soi, l'ego. Si l'on suit ce point de vue, la seule
réponse définitive à la souffrance est de devenir de plus en plus
conscient, et d'accepter notre Soi spirituel. D'où la valeur de la
méditation - une forme de communion, nous permettant de faire juste
cela. Le Soi spirituel est graduellement reconnu et accepté, et, ainsi,
la plénitude à laquelle nous avons aspiré, est enfin réalisée.
Cette description de la conscience humaine va au-delà de la simple
définition de la méditation en tant que «pratique du calme et du
silence», et elle est la prémisse sur laquelle les parties
philosophiques de ce livre sont fondées. Etre assis tranquillement, est
simplement la forme utilisée pour y parvenir.
Outre ce point de vue philosophique, ce qui nous motive en premier pour
pratiquer la méditation est quelque chose de vraiment très simple -
quelque chose qui nous pousse à nous arrêter, à nous asseoir, et à
découvrir et apprécier finalement la beauté et la joie de la vie
derrière les attentes et les circonstances personnelles. Ce conseil
semble très facile à donner, et très difficile à suivre, car c'est le
propre de la nature humaine de chercher toujours d'autres situations
pour que le bonheur prévale. Regardez autour de vous, et vous
remarquerez peut-être que beaucoup de gens ne sont pas satisfaits de
leur travail et, si l'on en juge par le pourcentage de divorces, encore
moins de leur ménage. Trop souvent, la réaction à l'insatisfaction est
de ramasser ses affaires et s'en aller. À chaque emploi que j'ai
occupé, l'un des plus grands problèmes auxquels la direction devait
faire face, était les arrivées et les départs fréquents des employés.
On pense toujours que l'herbe sera plus verte là-bas. Nous pensons que
nous serions heureux si nous avions plus d'argent, ou si nous étions
célèbres, ou si nous avions une meilleure apparence. Cependant, il est
sûr que, s'il gagne au loto, un pauvre triste ne se transforme
instantanément qu'en un riche triste. Alors, à quoi bon ?
Il faut du courage et de l'honnêteté pour accepter de voir que notre
tristesse est en réalité autogénérée. Dans la méditation, nous ne
cherchons pas de changement de circonstances, une nouvelle promesse
bidon de satisfaction. Nous ne cherchons pas à partir pour de plus
grands pâturages ; nous voulons simplement nourrir l'herbe de la
pelouse que nous possédons, pour la rendre plus verte. Si maintenant
votre herbe est jaune, vous installer dans une nouvelle demeure avec
une pelouse fraîche ne vous aidera pas beaucoup. Bientôt, votre
incompétence à jardiner créera le même résultat, et vous devrez faire
face au problème auquel vous vouliez échapper. Grâce à la méditation,
nous arrêtons de chercher une réalisation, une satisfaction, une
plénitude, à l'extérieur de nous-mêmes ; nous cherchons la profonde
satisfaction de la communion avec le Soi.
Quand nous étudions la méditation, nous ne pouvons nous occuper que de
pratique, car nous devons comprendre que l'expérience ne sera jamais
communiquée avec précision, tout comme le concept de bleu ne peut être
saisi en dehors de l'expérience. Dans un sens, il est très simple
d'apprendre les éléments de la pratique de la méditation ; cela ne
diffère guère de n'importe quelle étude. Mais d'une façon moins
définissable, apprendre à méditer exige que nous adoptions un nouvel
ensemble de règles, pour le processus d'apprentissage même. Nous avons
besoin d'un nouveau modèle d'étude, parce que ces leçons nous mettent
sur une voie qui nous conduit dans la direction opposée à ce que nous
avons déjà appris.
Ma pratique méditative initiale comportait beaucoup de progression au
jugé. Il en sera de même de la vôtre. Dans une large mesure, apprendre
à méditer, c'est tenter des expériences. Avec la pratique, vos
expériences vous donneront une compréhension plus claire du processus
d'apprentissage. Gardez cela à l'esprit en lisant ce livre, et
pratiquez les méditations. Certaines idées peuvent n'être pas claires
pour vous au début. Cependant, en vous efforçant de les mettre en
couvre, vous acquerrez une solide compréhension de la façon dont elles
opèrent.
D'abord, il se peut que vous n'ayez aucune idée de ce que vous êtes
censé chercher, de ce que vous êtes censé expérimenter. Vous pouvez
même ne pas savoir comment commencer. Et vous pouvez aussi éprouver un
sentiment de trouble et d'inutilité.
L'une des pensées qui viennent le plus communément à l'esprit d'une
personne qui essaie de méditer pour la première fois, est : «Est-ce que
je médite ?» On peut avoir l'impression que rien n'arrive. En plus, les
instructeurs de méditation ont tendance à communiquer de façon
abstraite. Aussi n'est-il pas surprenant que les débutants se sentent
souvent frustrés. Ne soyez pas découragé si d'abord rien ne semble se
produire. Dans tout apprentissage, il y a toujours une période initiale
de non-compréhension.
Dans notre société, vous sommes très habitués à apprendre des faits.
Deux plus deux font quatre, vous le comprenez, ou non. C'est un fait
qui n'a besoin d'être appris qu'une seule fois. Et nous ne sommes pas
les seuls à avoir ce type de pensée. Par exemple, le concept oriental
du moment de compréhension parfaite, appelée souvent «illumination»,
est un reflet de la même croyance - que tout apprentissage implique
l'absorption d'informations, que les faits sont compris, ou ne le sont
pas. La méditation, cependant, est un processus d'apprentissage qui se
déploie graduellement. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas
finalement de «moment d'illumination» ; mais, pour l'instant, il est
plus utile de penser à votre pratique de la méditation : plus longtemps
vous le faites, plus vous êtes au point.
Vous devez méditer régulièrement pour obtenir un profit. Si vous vous
exercez une fois par an, cela ne vous aidera pas beaucoup. Méditez
régulièrement pendant un an, et le visage que vous voyez dans le miroir
ne sera plus le même : plus clair, plus concentré, à l'aise. Méditez
régulièrement pendant cinq ans, et la transformation pourra être
frappante. Et le changement continue. Beaucoup de gens préfèrent à cela
la recherche du moment parfait, mais c'est l'un des plus beaux aspects
d'une pratique disciplinée : il semble qu'il n'y ait pas de fin au
progrès que l'on peut accomplir. Aussi, ne soyez pas trop prompt à
juger vos progrès. Engagez-vous dans une pratique régulière, au lieu de
rechercher un moment particulier.
En revanche, certaines personnes ont des moments forts de conscience
spirituelle, dès le commencement. Ils sont capables de faire un bond
intuitif et de s'ouvrir à l'expérience méditative presque
immédiatement. Plus souvent, les gens font l'expérience d'une nuance de
gris, entre l'obscurité de la confusion et la clarté de la
compréhension. Il y a des percées et des frustrations, et les unes
comme les autres peuvent prévaloir à n'importe quel moment du
processus. Apprendre à faire face aux changements d'humeur, est la
compétence la plus précieuse qu'un novice puisse acquérir. C'est
beaucoup plus important que d'avoir un départ que l'on croit
foudroyant. Certaines personnes qui n'ont pas beaucoup d'expérience au
commencement, persévèrent et deviennent d'excellents disciples, bien
enracinés, s'engageant sans faiblir dans un long parcours. Leur progrès
s'épanouit nettement au bout de quelques années, fournissant une base
cumulative, qui nourrit une croissance soutenue. Ceux qui font des
débuts formidables peuvent avoir des difficultés à continuer, quand
l'éclat a disparu. Cependant, la qualité de votre expérience de
débutant n'augurera pas de votre échec ou de votre réussite.
L'important, c'est de ne pas laisser le succès apparent ou l'échec
apparent dicter votre régime de pratique.
Il y aura de longues périodes, sur la voie, au cours desquelles les
choses sembleront aller mal. Il peut être difficile d'y faire face. Le
long de cette route, il y aura des expériences de grande joie, et
d'autres de grande angoisse, et, entre les deux, une abondance de
frustrations. Si vous vous délectez trop dans la réussite, les échecs
seront insupportables. Il y aura des moments où vous asseoir pour
méditer sera la dernière chose que vous souhaiterez faire.
D'autres fois, ce sera votre priorité. Le méditant avancé apprend que
ces expériences vont et viennent. La seule chose que vous ayez à faire,
c'est composer avec. Quiconque espère faire des progrès véritables doit
apprendre que lutter contre ces expériences changeantes, c'est mener un
combat inutile. Lâchez prise à la souffrance et à l'échec, les laisser
aller, c'est aussi lâcher prise à la réussite. Si vous pouvez vous
concentrer sur la méditation et non sur la qualité de la méditation,
vous gagnerez force, capacité et équilibre.
Dans la méditation, garder un équilibre entre les hauts et les bas, est
ce qui importe. Cet équilibre est la seule mesure véritable de
réussite, dans la méditation, et il sert d'excellent paradigme
d'apprentissage : quel que soit votre état d'esprit, vous vous asseyez
quotidiennement, à heure régulière, vous expérimentez tout ce qui se
présente à vous comme expérience, et vous menez votre vie, jusqu'à ce
que le moment vienne de vous asseoir encore.
- Tobin BLAKE -
demeure dans notre coeur. Entreprendre un voyage intérieur vers la
divinité que nous sommes quand nous sommes nous-mêmes.
Chez certains, le mot méditation évoque des images de moines tibétains
et chauves assis dans les montagnes himalayennes, accomplissant de
mystérieux exploits de domination de la matière par l'esprit, peut-être
lévitant, ou séchant des draps glacés et mouillés avec la chaleur de
leur corps. D'autres associent la méditation aux années 60,
manifestations, changements sociaux, groupes d'amis échangeant des
poèmes abstraits.
A ces images stéréotypées, on peut ajouter le prêche d'un
fondamentaliste, stigmatisant la méditation, «oeuvre du diable»,
pratiquée par les païens, les incroyants, voire les démons. Ces
jugements sont des stéréotypes conçus par des gens qui n'ont pas la
moindre expérience de la pratique de la méditation. En fait, toutes les
religions ont eu des voyants et des maîtres qui faisaient de la
méditation une pratique quotidienne. Même le christianisme, le judaïsme
et l'islam ont une tradition mystique, dont la plus grande partie est
issue de visions et intuitions obtenues grâce à la méditation, ou des
pratiques similaires.
L'exploration de la méditation implique, à mon avis, l'examen de nos
croyances, et leur considération à un niveau supérieur. Il n'est pas
besoin d'abandonner sa foi religieuse pour entreprendre la méditation.
Il n'est pas nécessaire que vous abandonniez votre Eglise pour
rejoindre la secte la plus proche. Il n'est pas besoin d'abandonner
pour se brancher. Beaucoup de traditions religieuses vont très bien
avec un mode vie méditatif.
Ce qu'il faut, pour commencer, c'est vous remettre en question, vous et
votre façon de penser, ce qui vous permettra d'évoluer. Cela implique
d'ôter les définitions toutes faites de la méditation, pour mettre au
jour la réalité de la pratique. La première chose à faire, c'est de
tenter l'impossible : définir le mot méditation. Qu'est-ce que la
méditation ? Quiconque a pratiqué sérieusement la méditation sait qu'on
ne peut donner une réponse complète à cette question, mais ceux qui
sont 'en apprentissage' la posent encore. Et les réponses qu'ils
obtiennent les laissent souvent insatisfaits. Il n'est pas facile de
définir la méditation, parce que l'expérience qu'on peut obtenir en la
pratiquant est au-delà de la conscience humaine ordinaire. Au
commencement, nous n'avons pas de point de référence, rien à quoi nous
puissions comparer l'expérience. Aussi, définir la méditation, c'est un
peu comme essayer d'expliquer ce qu'est le bleu à des gens qui n'en ont
jamais vu. Il serait beaucoup plus facile de montrer le ciel, pour
qu'ils puissent voir par eux-mêmes. Sans cette expérience immédiate,
les définitions ne peuvent guère satisfaire la curiosité.
Il y a une définition simple de la méditation ; c'est «la pratique du
calme et du silence». On prend un peu de temps, on s'assoit et on
essaie de rester parfaitement calme, corporellement, et mentalement.
Dans certains types de méditation, on choisit un mot, une phrase, ou
une image, sur lequel on se concentre, une unique «pensée» sur
laquelle se concentrer, qui remplace toutes les autres qui
ordinairement remplissent le champ de la conscience humaine. Dans
d'autres pratiques de la méditation, on préfère ne permettre à aucune
pensée de prendre racine, et laisser les pensées errer dans la
conscience, y entrer, et en sortir, comme des nuages qui traversent un
ciel d'azur.
Cependant, l'élément unificateur qui sous-tend la plupart des formes de
méditation est essentiellement identique: le physique cesse d'être le
centre d'intérêt ; on en retire son attention avec douceur, pour la
porter sur le mental ou la métaphysique, le mental ou l'esprit.
Pour mieux voir comment cela opère, considérons les caissons de
privation sensorielle. Un caisson de privation sensorielle est une
chambre remplie d'eau. Dans le caisson, la personne flotte sur l'eau
qui a été portée à température corporelle. Le caisson est couvert,
isolant complètement la personne qui reste dans l'obscurité et le
calme. L'eau chaude prive le corps d'impulsion tactile (toucher),
l'obscurité supprime la vision, et le caisson étouffe les sons
extérieurs. Le résultat, c'est une expérience du soi, comme «conscience
libre», «conscience pure», comme on le dit souvent, un mental conscient
de son existence indépendamment du monde et du corps physiques.
La méditation suit la même direction. Nous trouvons un endroit
relativement tranquille où nous asseoir, et nous fermons nos yeux un
moment. La restriction sensorielle entraîne une diminution des données,
des 'entrées' sensorielles que le mental doit traiter. Notre manque de
mouvement physique réduit la sensation de conscience tactile ; la
fermeture des yeux supprime la forme physique de notre vue ; et un
endroit calme devient un havre de paix, isolé phoniquement ; notre
dialogue intérieur n'est plus ainsi alimenté. Calme et silence.
Enfin, grâce à la pratique de l'immobilité, nos pensées se calment, et
nous commençons à réaliser que nous sommes des êtres spirituels,
faisant temporairement l'expérience de la vie en tant qu'êtres
physiques dans un monde physique. La méditation élargit notre pensée
quotidienne, d'ordinaire limitée, et remet en question les définitions
routinières quant à notre identité et à son contenu, révélant un monde
intérieur, qui restait invisible et insoupçonné. Mais cette expérience
ne peut véritablement être comprise au moyen de définitions et de
descriptions ; cette expérience est elle-même la meilleure définition
de la méditation. D'où le problème : La méditation est une expérience ;
donc, pour la comprendre, il faut faire soi-même cette expérience.
Il nous faut maintenant aller un peu plus loin, et examiner une
philosophie commune à de nombreuses formes de pratique. Imaginez que
vous êtes en réalité deux individus très différents. Vous connaissez
bien l'un de ces 'moi'. C'est le moi avec lequel vous vous êtes
familiarisé, le 'moi' qui s'éveille chaque matin pour aller à l'école,
ou au travail, ou au terrain de sport. Vous définissez ce soi par un
corps et un nom et un système personnel de valeurs, désirs, goûts et
dégoûts. En fait, pratiquement toute votre vie, c'est probablement le
seul 'moi' dont vous avez eu conscience. Certains l'appellent le 'petit
soi', le 'je', ou l'ego. C'est l'identité fondée sur l'existence
physique individuelle, et la déconnexion de la conscience spirituelle.
Selon notre perspective, ce soi 'ego' semble englober tout ce que nous
sommes.
Mais il y a un autre Soi en chacun de nous, auquel nous donnons divers
noms : Ame, Esprit, Amour, Paix, Soi, Esprit (au sens abstrait,
intangible, distinct du cerveau physique), etc. Ce qu'est ce Soi, les
mots ne peuvent l'exprimer ; c'est seulement par l'expérience que sa
nature est comprise.
Peut-être connaissez-vous votre Soi par un sentiment de sa faiblesse :
peut-être sentez-vous que quelque chose vous manque dans votre vie. Vous sentez un petit endroit vide près de votre coeur. Ce sentiment peut être si obscur que vous ne pouvez pas dire exactement quel est le problème, ce qui manque, ou pourquoi vous vous sentez parfois
incomplet, même quand tout va bien. Il y a un vide et une sensation
que, quoi que vous fassiez, la vie n'apporte pas une entière
satisfaction. Rien de ce que vous faites ne parvient à apaiser cette
mystérieuse, incessante, sensation de privation.
Souvent, on n'en est pas même conscient, mais de temps à autre, elle
tente de faire surface, et nous nous efforçons de la réprimer, parce
que nous n'avons pas de réponse véritable au problème. Cette sensation
peut émerger un beau jour, ou, au contraire, un vilain jour, dans le
bonheur, comme dans la dépression. Parfois, elle peut être entrevue
juste sous une éruption soudaine de nouveaux desseins destinés à
renouveler la fraîcheur de la vie, et à étouffer ce sentiment
d'incomplétude.
Ma conviction, c'est que la plupart de nos émotions négatives sont en
fait le résultat de notre profond refus de notre Soi spirituel, en
faveur du petit soi, l'ego. Si l'on suit ce point de vue, la seule
réponse définitive à la souffrance est de devenir de plus en plus
conscient, et d'accepter notre Soi spirituel. D'où la valeur de la
méditation - une forme de communion, nous permettant de faire juste
cela. Le Soi spirituel est graduellement reconnu et accepté, et, ainsi,
la plénitude à laquelle nous avons aspiré, est enfin réalisée.
Cette description de la conscience humaine va au-delà de la simple
définition de la méditation en tant que «pratique du calme et du
silence», et elle est la prémisse sur laquelle les parties
philosophiques de ce livre sont fondées. Etre assis tranquillement, est
simplement la forme utilisée pour y parvenir.
Outre ce point de vue philosophique, ce qui nous motive en premier pour
pratiquer la méditation est quelque chose de vraiment très simple -
quelque chose qui nous pousse à nous arrêter, à nous asseoir, et à
découvrir et apprécier finalement la beauté et la joie de la vie
derrière les attentes et les circonstances personnelles. Ce conseil
semble très facile à donner, et très difficile à suivre, car c'est le
propre de la nature humaine de chercher toujours d'autres situations
pour que le bonheur prévale. Regardez autour de vous, et vous
remarquerez peut-être que beaucoup de gens ne sont pas satisfaits de
leur travail et, si l'on en juge par le pourcentage de divorces, encore
moins de leur ménage. Trop souvent, la réaction à l'insatisfaction est
de ramasser ses affaires et s'en aller. À chaque emploi que j'ai
occupé, l'un des plus grands problèmes auxquels la direction devait
faire face, était les arrivées et les départs fréquents des employés.
On pense toujours que l'herbe sera plus verte là-bas. Nous pensons que
nous serions heureux si nous avions plus d'argent, ou si nous étions
célèbres, ou si nous avions une meilleure apparence. Cependant, il est
sûr que, s'il gagne au loto, un pauvre triste ne se transforme
instantanément qu'en un riche triste. Alors, à quoi bon ?
Il faut du courage et de l'honnêteté pour accepter de voir que notre
tristesse est en réalité autogénérée. Dans la méditation, nous ne
cherchons pas de changement de circonstances, une nouvelle promesse
bidon de satisfaction. Nous ne cherchons pas à partir pour de plus
grands pâturages ; nous voulons simplement nourrir l'herbe de la
pelouse que nous possédons, pour la rendre plus verte. Si maintenant
votre herbe est jaune, vous installer dans une nouvelle demeure avec
une pelouse fraîche ne vous aidera pas beaucoup. Bientôt, votre
incompétence à jardiner créera le même résultat, et vous devrez faire
face au problème auquel vous vouliez échapper. Grâce à la méditation,
nous arrêtons de chercher une réalisation, une satisfaction, une
plénitude, à l'extérieur de nous-mêmes ; nous cherchons la profonde
satisfaction de la communion avec le Soi.
Quand nous étudions la méditation, nous ne pouvons nous occuper que de
pratique, car nous devons comprendre que l'expérience ne sera jamais
communiquée avec précision, tout comme le concept de bleu ne peut être
saisi en dehors de l'expérience. Dans un sens, il est très simple
d'apprendre les éléments de la pratique de la méditation ; cela ne
diffère guère de n'importe quelle étude. Mais d'une façon moins
définissable, apprendre à méditer exige que nous adoptions un nouvel
ensemble de règles, pour le processus d'apprentissage même. Nous avons
besoin d'un nouveau modèle d'étude, parce que ces leçons nous mettent
sur une voie qui nous conduit dans la direction opposée à ce que nous
avons déjà appris.
Ma pratique méditative initiale comportait beaucoup de progression au
jugé. Il en sera de même de la vôtre. Dans une large mesure, apprendre
à méditer, c'est tenter des expériences. Avec la pratique, vos
expériences vous donneront une compréhension plus claire du processus
d'apprentissage. Gardez cela à l'esprit en lisant ce livre, et
pratiquez les méditations. Certaines idées peuvent n'être pas claires
pour vous au début. Cependant, en vous efforçant de les mettre en
couvre, vous acquerrez une solide compréhension de la façon dont elles
opèrent.
D'abord, il se peut que vous n'ayez aucune idée de ce que vous êtes
censé chercher, de ce que vous êtes censé expérimenter. Vous pouvez
même ne pas savoir comment commencer. Et vous pouvez aussi éprouver un
sentiment de trouble et d'inutilité.
L'une des pensées qui viennent le plus communément à l'esprit d'une
personne qui essaie de méditer pour la première fois, est : «Est-ce que
je médite ?» On peut avoir l'impression que rien n'arrive. En plus, les
instructeurs de méditation ont tendance à communiquer de façon
abstraite. Aussi n'est-il pas surprenant que les débutants se sentent
souvent frustrés. Ne soyez pas découragé si d'abord rien ne semble se
produire. Dans tout apprentissage, il y a toujours une période initiale
de non-compréhension.
Dans notre société, vous sommes très habitués à apprendre des faits.
Deux plus deux font quatre, vous le comprenez, ou non. C'est un fait
qui n'a besoin d'être appris qu'une seule fois. Et nous ne sommes pas
les seuls à avoir ce type de pensée. Par exemple, le concept oriental
du moment de compréhension parfaite, appelée souvent «illumination»,
est un reflet de la même croyance - que tout apprentissage implique
l'absorption d'informations, que les faits sont compris, ou ne le sont
pas. La méditation, cependant, est un processus d'apprentissage qui se
déploie graduellement. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas
finalement de «moment d'illumination» ; mais, pour l'instant, il est
plus utile de penser à votre pratique de la méditation : plus longtemps
vous le faites, plus vous êtes au point.
Vous devez méditer régulièrement pour obtenir un profit. Si vous vous
exercez une fois par an, cela ne vous aidera pas beaucoup. Méditez
régulièrement pendant un an, et le visage que vous voyez dans le miroir
ne sera plus le même : plus clair, plus concentré, à l'aise. Méditez
régulièrement pendant cinq ans, et la transformation pourra être
frappante. Et le changement continue. Beaucoup de gens préfèrent à cela
la recherche du moment parfait, mais c'est l'un des plus beaux aspects
d'une pratique disciplinée : il semble qu'il n'y ait pas de fin au
progrès que l'on peut accomplir. Aussi, ne soyez pas trop prompt à
juger vos progrès. Engagez-vous dans une pratique régulière, au lieu de
rechercher un moment particulier.
En revanche, certaines personnes ont des moments forts de conscience
spirituelle, dès le commencement. Ils sont capables de faire un bond
intuitif et de s'ouvrir à l'expérience méditative presque
immédiatement. Plus souvent, les gens font l'expérience d'une nuance de
gris, entre l'obscurité de la confusion et la clarté de la
compréhension. Il y a des percées et des frustrations, et les unes
comme les autres peuvent prévaloir à n'importe quel moment du
processus. Apprendre à faire face aux changements d'humeur, est la
compétence la plus précieuse qu'un novice puisse acquérir. C'est
beaucoup plus important que d'avoir un départ que l'on croit
foudroyant. Certaines personnes qui n'ont pas beaucoup d'expérience au
commencement, persévèrent et deviennent d'excellents disciples, bien
enracinés, s'engageant sans faiblir dans un long parcours. Leur progrès
s'épanouit nettement au bout de quelques années, fournissant une base
cumulative, qui nourrit une croissance soutenue. Ceux qui font des
débuts formidables peuvent avoir des difficultés à continuer, quand
l'éclat a disparu. Cependant, la qualité de votre expérience de
débutant n'augurera pas de votre échec ou de votre réussite.
L'important, c'est de ne pas laisser le succès apparent ou l'échec
apparent dicter votre régime de pratique.
Il y aura de longues périodes, sur la voie, au cours desquelles les
choses sembleront aller mal. Il peut être difficile d'y faire face. Le
long de cette route, il y aura des expériences de grande joie, et
d'autres de grande angoisse, et, entre les deux, une abondance de
frustrations. Si vous vous délectez trop dans la réussite, les échecs
seront insupportables. Il y aura des moments où vous asseoir pour
méditer sera la dernière chose que vous souhaiterez faire.
D'autres fois, ce sera votre priorité. Le méditant avancé apprend que
ces expériences vont et viennent. La seule chose que vous ayez à faire,
c'est composer avec. Quiconque espère faire des progrès véritables doit
apprendre que lutter contre ces expériences changeantes, c'est mener un
combat inutile. Lâchez prise à la souffrance et à l'échec, les laisser
aller, c'est aussi lâcher prise à la réussite. Si vous pouvez vous
concentrer sur la méditation et non sur la qualité de la méditation,
vous gagnerez force, capacité et équilibre.
Dans la méditation, garder un équilibre entre les hauts et les bas, est
ce qui importe. Cet équilibre est la seule mesure véritable de
réussite, dans la méditation, et il sert d'excellent paradigme
d'apprentissage : quel que soit votre état d'esprit, vous vous asseyez
quotidiennement, à heure régulière, vous expérimentez tout ce qui se
présente à vous comme expérience, et vous menez votre vie, jusqu'à ce
que le moment vienne de vous asseoir encore.
- Tobin BLAKE -